CR Thibaut RIOULT Festival du Goëlo du 22 février 2025

Docteur en histoire et théorie de l’illusionnisme (thèse en 2018) actuellement chargé de recherche FNRS à l’Université libre de Bruxelles. Il réalise également actuellement un travail de dramaturge en illusionnisme fantastique. Il a choisi de se consacrer uniquement à la recherche. Sa conférence est exemplaire et utile notamment pour les générations Youtube. Thibaut a un grand sens pédagogique. Nous serons tous plus intelligents et cultivés à l’issu de son intervention.

Partant de l’affiche du Festival du Goëlo, il envisage de traiter à partir d’aujourd’hui « les origines de l’illusionnisme moderne » à travers :

  • le style vestimentaire,

  • les lieux de performance,

  • le répertoire

  • les conditions des pratiques (professionnel ou amateur)

LE STYLE VESTIMENTAIRE

En 2025, sur l’affiche on peut noter, l’habit, le chapeau, les cartes à jouer et les colombes. En remontant dans le temps David Copperfield n’est pas déguisé et porte des habits modernes, Dai Vernon est en smoking, Mandrake porte chapeau, cape et baguette, Thurston, Buatier de Kolta et J. – E. Robert – Houdin sont en habit de salon bourgeois. Le prestidigitateur se présente alors comme un savant et un homme de lettres.

 

Et contrairement à ce que raconte Georges Méliès dans la revue l’Illusionniste (numéro 3), le style vestimentaire n’a pas évolué d’un coup à l’époque de Robert-Houdin.

Dans ses Confidences page 361, Robert-Houdin écrit que jamais personne avant Philippe n’avait jamais osé un tel costume.

Cette fausse évidence a donc été construite tardivement par Méliès.

LES LIEUX DE PERFORMANCE

Au XV ième :

  • La foire, les amuseurs. Citation de Rabelais : « Un bateleur attire plus de gens que ne le ferait un bon prédicateur évangélique ! »
  • La magie de rue est bien représentée par le tableau de l’escamoteur attribué à Jérôme Bosch vers 1500. Deux gobelets et un cône
  • Un autre manuscrit du XV ième siècle représente la gibecière, les deux gobelets, les muscades, une crotte, des dés à jouer, un probable baril au millet et une baguette magique

 

L’imagerie du XV ième siècle témoigne de l’existence de manipulateurs, de serpents de cracheurs de feu, d’effets de transpercement

Jérôme CARDAN évoque les anneaux enclavés

Au XVI ième siècle se présente un tournant en parallèle de la magie de rue représentée dans le film Le Bâtard de Dieu

apparaissent les joueurs en chambre ou salon

1520. Tableau de Dosso Dossi représentant des convives au restaurant et sur la table on note les deux gobelets, des grelots, un cône, une boite à millet, le chapelet de grand – mère …

Une lettre d’Agrippa d’Aubigné (1552 – 1630) raconte une anecdote montrant la fréquentation par les magiciens de renom de la haute société.

A l’époque d’Henri de Navarre (futur Henri IV) Hieronymo SCOTTO présente des « traits de cartes » chez une Dame de la haute société. Le tour est décrit précisément par l’écrivain : le jeu de cartes ne comporte que des rois de pique, puis des dames de cœur, puis chaque spectateur pense à une carte, celle – ci est tirée par une spectatrice.

Le Répertoire au XVI ième siècle se retrouve dans le contenu des boites de physique amusante en 1880. Les objets présents dans le coffret illustrent la majorité des tours présentés :

  • Les gobelets et les muscades

  • Le coquetier

  • Les piliers de Salomon

  • Le baril de millet

  • La baguette magique

  • Le chapelet de grand – mère

  • Les boites jumelles

  • Les boites aux graines

  • Le vase aux dés

  • Le Jean de la vigne

  • Les anneaux chinois

  • L’alène magique

 

Le répertoire et les secrets transmis depuis la nuit des temps se retrouvent ensuite dans deux livres : le Prevost et le Scot, un évènement marquant

Le PREVOST, le premier est publié en 1584. « Le Coloring Book » est présent avec un système simple

 

Puis paraît le SCOT la même année. L’auteur qui est membre du Parlement et Gentleman Farmer est aussi calviniste. Il publie le SCOT au moment où la chasse aux sorcières reprend en Europe à la fin du XV ième siècle et surtout pour une deuxième raison, un enjeu qui consiste à contrer le catholicisme.

Pour cela Scot a pris des cours avec un bateleur français du nom de Jean CAUTARES. Cela lui permet d’argumenter que loin d’être de la sorcellerie, il s’agit d’une affaire de dextérité qui consiste à déplacer des billes, transformer des pièces de monnaie, de manier et de battre des cartes à jouer pour procurer du plaisir.

Les objets manipulés sont par ordre d’importance : le plus souvent les pièces, puis les PCT (piquant, coupant, tranchant), les cartes à jouer, les tours d’appareils, les tours avec du fil, de la corde et des rubans, les balles et gobelets sous forme de bols et chandeliers, du mentalisme

Sur l’image on devine les trucages utilisés, en bas de l’image l’assiette coupée en deux permet de placer la tête, l’utilisation du souffre permet de rendre l’aspect cadavérique de l’enfant.

Voici donc compilé le répertoire franco – anglais existant en 1584.

Remarquons que ces livres ont tous les deux une origine française.


Le tableau de Bruegel illustre plus d’une dizaine d’effets du livre de SCOT

Le conférencier note l’utilisation de la psychologie et misdirection au XVI ième siècle.

Citation : « l’illusionniste ne doit pas regarder ce qu’il fait mais regarder les spectateurs »

Thomas l’ESCOT. Dans son livre L’Alexis FIRMACO ou « Antidote » sont figurés plusieurs tours dont le bâton en équilibre sur deux verres, les trois petits anneaux enclavés, la pièce cousue dans un coin d’un mouchoir

LES CONDITIONS DE PRATIQUE

  • Professionnelles. Des gentilshommes illusionniste européens : l’espagnol Dalmau, l’italien Scotto, les Vénitiens Trono et Somma, Colorini est ingénieur de Cour. Ces illusionnistes performent à la Cour des puissants, chez Charles Quint, Élisabeth I (Scotto) et chez Rodolphe II à la Cours de Prague (Scotto et Colorin)

  • Amateurs. Le PREVOST est édité non pas à Lyon mais plus vraisemblablement à Toulouse dans un milieu d’étudiants amateurs.

Référence. Rioult Thibaut « Le Prevost dévoilé (1584) : Faits et hypothèses concernant l’éditeur, les amis et l’identité de l’illusionnist. « I. Prevost », le Vieux Papier, XLIII.454 (2024) 558-64.

CONCLUSION

Au XVI ième siècle l’illusionnisme moderne est présent sur de nombreux critères : le style vestimentaire, les salons comme lieu de performance, le répertoire, les objets et les principes de reconnaissance sociale.

Pierre GUEDIN

Pierre GUEDIN

Passionné par l'historique des tours

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